Une pincée de #RPGaDay2018 – semaine 3

Pour les retardataires, la première semaine est par ici et la deuxième par là !

Comme tout bon marathon, y’a les moments de mou et les éclats. Alors on pousse et on se relance pour une semaine consacrée à la description !

Jour 13 – Décrivez l’évolution de votre expérience de jeu

Je ne parlerai pas de l’évolution dans le type de jeux joués, il y aurait déjà énormément à écrire là-dessus. Sur l’expérience à table proprement dite, je pense qu’avant je jouais au jeu avant tout, maintenant je joue avant tout avec des gens.

Je me souviens que dans mes premières parties, je râlais souvent intérieurement qu’on n’avait pas assez avancés dans le scénario, que pas grand-chose ne s’était passé. Je n’avais pas beaucoup d’intérêt pour ce qui se passait à table, la qualité des scènes jouées, les enjeux. Ou pour être plus précis, je subordonnais tout ça au tout-puissant scénario, au jeu tel que l’auteur ou l’autrice me disait de le faire jouer. Pour moi la partie de jeu de rôle était une sorte d’idéal à atteindre, un idéal fixé par l’auteur ou l’autrice et que la table se devait d’approcher du mieux qu’elle le pouvait. Et ce n’était jamais tout à fait assez.

Aujourd’hui, je me suis fort éloigné de ça. Ce qui compte, ce sont les gens à table, justement. Qu’on passe tous et toutes ensemble une bonne soirée.

Le plus important devient que tout le monde soit à l’aise. D’où mon amour affiché pour des outils de sécurité émotionnelle et le développement des signes gestuels, par exemple. C’est ça la base d’une partie de jeu de rôle réussie, pour moi : qu’on crée un environnement bienveillant où chacun et chacune soit à l’aise.

Ensuite, et ensuite seulement, je veux vivre des choses intenses, ensemble. De toute façon, mes parties les plus fortes, les plus marquantes, me restent parce que tout le monde a participé à leur réussite. Je n’ai pas amené un concept que j’ai plaqué à table, je ne me suis pas mis à la remorque des autres. On a avancé ensemble, tout le monde a contribué à construire ce splendide moment.

Ca ne veut pas dire que je ne joue plus de campagnes écrites mais je les approche très différemment.

Jour 14 – décrivez un échec qui est devenu étonnant.

Il y a deux séances, dans la campagne de Démiurges à laquelle je joue pour le moment (un jeu dont Morora a fait une superbe critique par ici), mon personnage s’est retrouvé au cœur d’un laboratoire menant des expériences sur les démiurges. Une rébellion a éclaté : les sujets d’expérience ont pris une partie du laboratoire et combattent pour s’enfuir. Mon personnage se joint aux combats et est mortellement blessé. Le jeu impose donc un jet qui se solde par… la mort de mon personnage. On reste un peu étonnés, à table, jusqu’à ce que je trouve dans le livre la possibilité de faire le sacrifice d’un trait pour gagner un jet. Je sacrifie le trait central de mon personnage – je maitrise l’image que les autres ont de moi. Je décris la semi-conscience qu’a mon personnage de sa mort qui arrive malgré la jeune démiurge qui tente de le sauver. Le besoin de l’aider. Et la volonté de le faire en abondonnant une part de lui.

Les griffes de sa main gauche, poussées pour déchirer ses ennemis, lui resteront. De même que l’œil et la paupière d’un vieux balayeur du laboratoire dont il avait pris l’identité pour s’y infiltrer.

Lui qui base tout sur son apparence, sur le contrôle qu’il a de sa perception par les autres, va devoir se redéfinir. Je ne sais pas encore comment il le fera – c’était il y a deux séances, mon personnage vient de se sortir de ce laboratoire. Mais un échec – face au jet pour le soigner – a amené un tournant d’importance pour le concept-même de mon personnage. J’ai hâte de voir ce qui va se passer maintenant. Si il pourra se vivre autrement que comme un monstre, maintenant qu’il en a l’apparence.

Jour 15 – décrivez une expérience de jeu délicate que vous avez appréciée.

Il y a peu, dans la campagne de Night Witches que je mène, une PnJ (la Lieutenant de la Sécurité de l’Etat Barsukova, du NKVD, la police politique) en est venue à imposer à une PJ des rapports sexuels forcés contre la menace de l’envoyer en institut psy pour lesbiennat.

Au-delà du fait d’oser amener de front un enjeu aussi fort, je suis très content de la manière dont, à table, la première scène où Barsukova menace la PJ a été amenée. C’est une preuve incontestable du lâcher-prise qu’amènent une bonne communication et des outils de sécurité émotionnelle bien compris à table.

(Petit mot de contexte : je voulais amener un personnage refoulant son lesbiennat et usant de violence pour satisfaire ses désirs sexuels à table. Je voulais aussi que le PnJ, Barsukova donc, jette son dévolu sur un des PJ. Mais je n’avais aucune idée de ce qui se passerait ensuite, ce qui réussirait ou non, etc.).

  1. En début de séance, j’ai rappelé qu’on utilisait la carte X, que tous les joueurs avait droit de veto sur tout élément amené dans la fiction même si ça ne concerne pas son personnage (parce que je ne voulais pas que l’autre joueur – on joue à 3 – se sente mal à l’aise par rapport à la situation à venir et ne se sente pas légitime à le dire). Tout le monde a dit oui, bien sûr, on l’avait posé sur la table en début de campagne et ça restait évident pour tout le monde. Mais l’avoir rappelé me permettait de m’assurer que ça restait en tête de la table.
  2. J’ai petit à petit fait monter la tension, jusqu’à sauter sur une opportunité laissée par les PJ pour les convoquer chez Barsukova. J’ai fait passer toute leur section au rapport une par une, puis l’autre PJ, puis utilisé des incohérences dans le récit de l’autre PJ pour tendre un piège à la PJ concernée.
  3. Dans un silence de mort (on joue via internet sur cette table, donc on n’a pas les corps seulement les voix), Barsukova a terminé de refermer son piège et fait sous-entendre la « proposition » et le risque encourru en cas de refus. Les silences étaient chargés comme jamais. Finalement la PJ a plus ou moins fui.
  4. Immédiatement après la scène, on a fait le point. J’ai rappelé que si un des joueurs ne voulait pas de cet enjeu, je ferais transférer/tuer Barsukova immédiatement et qu’on en parlerait plus. J’ai rappelé qu’à tout moment même pendant une scène, il y avait droit de veto par tout le monde. Les joueurs m’ont donné le feu vert. La joueuse concernée à préciser qu’elle ne voulait pas qu’on fasse de jets de dés pendant les éventuelles futures scènes entre Barsukova et son personnage parce qu’elle voulait garder le contrôle là-dessus. Elle ne voulait pas qu’un résultat de dé ne force la fiction dans une direction impossible pour elle. J’ai évidemment accepté.
  5. Une fois que tout le monde a eu l’occasion de dire tout ce qu’iel avait à dire sur le sujet, on est reparti dans la fiction.

Je crois que c’est une des scènes les plus intenses que j’ai jouées en jeu de rôle. Point. Ah si, il y a eu la scène où la PJ cède finalement aux « avances » de Barsukova, peut-être.

Sans sécurité émotionnelle, jamais je n’aurais osé m’avancer là. Même en faisant confiance aux autres joueurs – d’ailleurs ceux-ci je les connais depuis moins d’un an. C’est peu, finalement. Mais grâce à la présence de la carte X et à une communication claire sur ce qui nous importe le plus en jeu de rôle (cf. ma réponse à la question 13), on a pu s’aventurer dans une scène aussi forte que celle-là. L’émotion était réelle, le soulagement après intense. On a immédiatement débriefer. Et on est repartis de plus belle.

Night Witches

[EDIT]

Ce qui est bien avec Internet, c’est qu’on peut facilement éditer du contenu. Par exemple, en envoyant, enthousiaste, un article où on parle d’une séance vécue ensemble aux autres joueurs et qu’une joueuse nous dit « mais je ne m’en souviens pas du tout pareil ! » .

J’ai trouvé chouette de vous mettre un peu comment elle s’en souvient, de cette fameuse scène, et ce qui a fait que c’était une réussite malgré son côté « délicat » .

Tout d’abord, d’après la joueuse ce n’est qu’à la deuxième scène entre son personnage et Barsukova que j’aurais rappelé la carte X et le droit pour la troisième personne à table de mettre son véto à ce qui se passait, même si ça ne concernait pas directement son personnage. Mais c’est possible qu’après avoir été secouée par la scène elle ne se souvienne plus du débrief qui aurait suivi la première scène, ajoute-t-elle.

Ensuite, et plus important peut-être, pour elle ce qui a fait que cette scène a fonctionné ce n’est pas tant la présence d’outils de sécurité émotionnelle que le fait que je ne l’ai pas forcée. Et effectivement, après avoir mis le personnage à genoux moralement parlant, Barsukova ne l’a pas embrassée de force mais lui a dit : « embrassez-moi » . Le personnage a fui et des aviatrices de ses amies l’ont vue et l’ont calmée, sans qu’elle ne leur crache le morceau.

Donc 1) je n’ai pas forcé le personnage à l’acte. Barsukova a lancé une injonction et j’ai laissé le personnage décider de la manière dont il réagissait à l’injonction. Une manière couverte de dire à la joueuse que c’était elle qui donnerait son assentiment à l’attouchement de son personnage et pas moi qui le forcerait.

Ensuite, quand elle a fui, je l’ai laissée faire. Il aurait pu y avoir des gardes à l’extérieur, une porte fermée, quoi que ce soit qui la retienne. Mais je lui ai redonné le pouvoir en validant son choix : la fuite.

Enfin, d’autres PnJ étaient là « en mode care » (pour citer la joueuse) pour la calmer et la rassurer. Et je n’ai pas appliqué de sanction ensuite, j’ai « juste » continué à faire monter la tension à chaque fois que la personnage-joueuse croisait Barsukova. Mais elle n’a pas été placée aux arrêts, ni interdite de vol, ni rien.

A la deuxième scène, alors que la personnage-joueuse est coincée avec Barsukova, je fais intervenir un autre PnJ pour la sortir de la situation mais montrer la tension qui monte. Là, « ça scelle la confiance » dit la joueuse : « pas de jet, pas de cul-de-sac où je serais piégée alors que mon perso n’est pas prête à céder » .

Voilà, je voulais vous partager ça.

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Jour 16 – décrivez vos plans pour votre prochaine partie

Interview Manuel Bedouet
Ribbon Drive, un jeu de Road-movie puissant de gentillesse… J’vous en reparle bientôt 😉

A priori ce sera un Ribbon Drive lundi !

Ribbon Drive est un jeu dont je parlerai bientôt en long et en large tellement qu’il est bien. On y joue un road-trip sans meneur. On prépare chacun et chacune une compilation avant la partie. Celles-ci vont servir de moteur au jeu – le contexte de jeu, les personnages et les scènes s’inspirent directement de la musique qu’on passe !

Ce sera ma deuxième partie, la première était superbe. Et le mieux, c’est que comme ma compilation n’était pas passée pendant la première édition, je ne dois même pas en faire 😀

Sinon, j’ai le projet un peu fou de faire une campagne à deux meneurs. Avec un ami, on se dit que sur Patient 13, avec un meneur qui prend en charge le « normal » et un meneur qui s’occupe du « fantastique » y’a moyen de bien délirer. Ou sur Lacuna, tiens… A suivre 🙂

Jour 17 – Le meilleur compliment que l’on vous a fait pendant une partie

« Je fais pas de classement, mais cette campagne en rejoint d’autres dans le tout tout haut ! »

Jour 18 – Décrivez l’art visuel qui inspire vos parties

Tout d’abord, les illustrations du jeu lui-même. Souvent je prends beaucoup de temps à la lecture du jeu pour regarder les images parce qu’elles véhiculent pour moi une bonne part de l’ambiance du jeu. Sont-elles riches de couleurs et de détails ? Très sobres ? sombres ou lumineuses ? Généralement, surtout quand je vais mener, les illustrations sont un premier guide sur l’ambiance que je tenterai de mettre à table.

RPGaDay2018FinalGirl

Deux jeux d’horreur, La fiancée de Barbe-Bleue (Bluebird’s Bride) et The Final Girl.  Pas besoin d’épiloguer sur la différence d’ambiance…

A part ça, j’aime bien m’immerger dans des séries ou des films proches de l’ambiance, du ton et des thèmes du jeu auquel on va jouer. J’ai regardé plusieurs épisodes de Full Metal Alchemist avant le début de la campagne de Démiurges, je me suis gavé de films et séries policières au moment où je jouais à C.O.P.S., … Ca m’aide beaucoup à avoir des images en partie, à projeter.

Sur la campagne de Sens que j’ai menée, il y avait des tonnes de PnJ. J’ai donc été piocher sur Instagram des images correspondant à l’image que je me faisais des personnages. Toujours du dessin, pour que ce ne soit pas trop « réaliste » et donc enfermant pour l’imaginaire des autres joueurs à table. Je les ai glissés dans des protège-cartes et en partie, je mettais les portraits des personnages présents dans une scène sur table, à la vue de tout le monde. Ca a très bien fonctionné. Par contre ça m’a pris un temps dingue de choisir tout ça, je ne recommencerai que pour des longues campagnes.

Jour 19 – Décrivez la musique qui inspire vos parties

Ca dépend très fort, évidemment. Sur quasi toutes les campagnes où je suis joueur, je me fais une liste de lecture de quelques morceaux pour me mettre dans l’ambiance en venant en partie. J’écoute trois-quatre morceaux dans le tram et beaucoup de ce qui s’est fait avant me revient. C’est assez magique. Et puis créer cette liste de lecture après la première ou deuxième séance m’aide à continuer de créer mon personnage. Je me demande ce qu’il ou elle écoute, ce qui le ou la représente comme style ou comme morceau. C’est très enrichissant.

Quand je suis meneur, je mets presque toujours de la musique. Ca peut être un titre-thème de la campagne : j’avais pris A real hero de College & Electric Youth pour World War Korea, une campagne parlant de super-héros malgré eux et de choix moraux. Pour Sens, j’avais pris le choix conseillé par Romaric Briand, I could be Wrong de Radiohead, parce que ça colle bien.

Ces morceaux-là, je les joue en début de session, une fois qu’on a fait le résumé de ce qui a précédé. En général je demande que les joueurs et joueuses gardent le silence pendant le début de la musique, puis je baisse doucement le son et on fait le point sur l’endroit où les personnages sont au moment où on reprend.

En plus de ça, j’ai des listes de lecture sur iTunes. Si le jeu comporte des séquences très différentes, je les classe par « moments » : combat, tension, poursuite, etc. Ca dépend évidemment des jeux.  Dans ce genre de liste de lecture, je mettrai des morceaux précis, courts, variés même si leur énergie reste dans le ton souhaité. Je les tire de bandes originales de films et là aussi ça dépend du style : Street Kings ou Skyfall pour du policier de haut vol, Le secret des poignards volants pour de l’asiatique héroïque, etc.

Pour les jeux qui ont une ambiance forte et unie (en général des jeux qui se jouent en une séance, comme Sombre, Aux marches du pouvoir ou la phase de nuit de Night Witches), je fais une seule liste de lecture avec des albums entiers. Je ne peux que vous recommander la lecture de Musiques sombres pour jeux de rôle sombres, de Thomas Munier, qui reste une référence incroyable. J’en ai tiré beaucoup de ce qui fait le corps de mes parties : The Killimanjaro Darkjazz Ensemble, Hildur Gudnadottir, Ben Frost, …

Ce qui est très fort avec ce genre d’album d’ambiance, c’est qu’on peut le laisser rouler dans le fond, pas trop fort. On n’y fait pas trop attention, ça soutient ce qui se passe gentiment. Et puis souvent, vient un moment où un élément de musique colle parfaitement à ce qui se passe à table. Un cri de loup alors qu’on décrit une grotte sombre, un suspend inquiétant quand on ouvre une porte. Et soudain, la musique s’intègre pleinement dans la partie, prend un sens fort. Voire, donne une direction quand on était un peu perdus.

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